Témoins

Hommes de lettres, savants et voyageurs 

Artistes

CHAMPOLLION, Jean-François,

Champollion, lettres et journaux ecrits pendant le voyage d'Egypte, Ed H. Hartleben, p. 78-79

Je reçus de très bonne heure la visite de Monsieur Linant, voyageur et dessinateur très distingué et dont les dessins ornent les portefeuilles de Monsieur Bankes. Il a entièrement adopté les moeurs musulmanes, portant constamment le costume du Nizam-Ghédid et habitant loin du quartier franc au milieu des Arabes, il a monté son ménage en conséquence et épousé une Abyssinienne, dont il a plusieurs enfants. Avec Monsieur Linant était Monsieur Berthier, agent consulaire à Tarse, réfugié en Egypte pour éviter le cimeterre d'un Pacha qui voulait l'occire à la première nouvelle de l'affaire de Navarino.

CHAMPOLLION, Jean-François, p. 90-91

 

J'allai en attendant, faire une visite à M. Linant domicilié hors des murailles et habitant une maison toute orientale, car, ayant épousé une Abyssinienne, il a complètement adopté les moeurs orientales. Ses riches portefeuilles m furent ouverts. J'y vis pour la première fois des croquis fort bien faits des antiquité romaines de Pétra. je reconnus les inscriptions hiéroglyphiques de Sarbout-el-Qadim, copiées aussi exactement qu'un dessinateur peut le faire, la plupart des monuments et bas-relief de Naga et de Barkal, et plusieurs autres points de la Haute Nubie et de l'Ethiopie. Dans ces dessins je trouvai la confirmation d'une de mes idées sur les monuments de l'Ethiopie, et je vis clairement qu'on peut les partager en trois époques distinctes ou en trois styles successifs :

(...)

Je trouvai aussi chez M. Linant le dessin d'une longue inscription du Pharaon Thoutmosis IV, gravée sur un rocher (à la frontière de Dongola. Il m'en promit une copie.

CHAMPOLLION, Jean-François, p. 97-98,

M. Linant et un jeune Anglais, M. Newman, venus à dos de dromadaire, ont partagé notre modeste repas dans la première carrière d'Ahmosis. Après nous être reposés quelque temps dans celles d'Acoris, où toute notre caravane se réunit enfin, nous reprimes le chemin de Massarah et de nos mâasch, où nous soupâmes de fort bon appétit, après une journée extrêmement fatigante. - A peine le café pris, ces messieurs nous dirent adieu et, lançant leurs dromadaires, disparurent bientôt à nos yeux dans la direction du Caire. Il était six heures et un quart.

BELZONI, G., Voyages en Egypte et en Nubie,  1820.

Le 16 novembre, notre compagnie s'embarqua auprès de Thèbes pour se rendre à la première catarcte du Nil. Etant cette fois en grand nombre, nous avions une flottille entière. La compagnie consistait en MM. Bankes, Salt, Beechey, le Baron Sack, voyageur prussien et célèbre naturaliste, Linant (plus note), dessinateur, le Docteur Ricci et moi.

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FLAUBERT G., Lettres d'Egypte, ed. par A. Naaman, 1965, p. 141

De même, pour le Sennaâr nous avions (eu un moment) l'intention de pousser jusque là - c'est à ce qu'il paraît aussi facile que d'aller d'Alexandrie au Caire mais Linant Bey (l'ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées d'Egypte) qui y a été trois fois nous a dit que nous n'y verrions rien du tout, et que ça ne valait pas la peine de nous allonger notre voyage. Ainsi le Sennaâr jusqu'à présent me paraît mis de côté à moins que là-haut la rage ne nous empoigne de remonter plus loin - en revanche Monsieur Linant (c'est à coup sûr l'homme le plus intelligent que nous ayons encore rencontré, le plus instruit et le mieux de toutes façons) nous engage à aller à Jérusalem par terre, et non par mer ce qui rentre dans notre itinéraire primitif, comme tu peux t'en assurer en y jetant les yeux. Je conclus de tout cela qu'il n'est pas possible en Europe d'avoir sur les routes d'Asie des renseignements précis.

FLAUBERT Gustave., Lettres d'Egypte,  p.164

A propos de ces petites bêtes, nous avons mis quatre heures à faire six lieues tu vois le train que cela va. Il est vrai que l'on peut à quelques uns faire faire quarante lieues en un jour. Ainsi Linant Bey a mis quatre jours pour aller d'Alexandrie au Sinaï, ce qui en demande au moins douze.

NERVAL Gérard de, Lettre du 18 mars 1843 à son père

Mais les connaissances que nous avons faites par lui [le Consul général M. Gautier d'Arc] et par nos lettres de recommandation nous restent et nous rendent encore le séjour de la ville intéressant. Monsieur Perron, le directeur de l'Ecole de médecine, Monsieur Linant, l'ingénieur en Chef, et Monsieur Lambert, le directeur de l'école militaire, nous ont comblés d'amitiés, nous invitant à des dîners, à des soirées et même à des spectacles, car il y a un spectacle où l'on n'est reçu que par lettres d'invitation. Monsieur Linant est le seul de ces messieurs qui ait une maison quasi-orientale. Nous avons été très étonnés, en allant en soirée chez lui, de rencontrer, outre sa dame, qui est syrienne et vêtue à la mode de ce pays, quatre à cinq jeunes personnes blanches ou cuivrées, vêtues de costumes très brillants. Nous pensions d'abord qu'on nous avait introduits par mégarde dans le sérail du maître de la maison, mais nous avons appris ensuite que c'étaient ses filles, et filles à marier

On peut dire qu'il y en a de toutes les couleurs.

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Stephens John Lloyd, Incidents of Travel in Egypt, Arabia Petraea, and the Holy Land, New York, 1837

[Stephens (1805-1852) est le découvreur des sites mayas du Yucatan]

 

In the evening, being the last of my stay in Cairo, I heard that Mr. Linant, the companion of M. Laborde on his visit to Petra, had arrived at Alexandria, and, with Mr. Gliddon, went to see him. Mr. L. is one of the many French emigres driven from their native soil by political convulsions, and who have risen to distinction in foreign lands by military talents, and the force of that restless energy so peculiar to his countrymen. Many years before, he bad thrown himself into the Arabian Desert, where he had become so much beloved by the Bedouins, that on the occasion of a dispute between two contending claimants, the customs of their tribe were waived, the pretensions of the rivals set aside, and he was elected sheik of Mount Sinai, and invested with the flattering name, which he retains to this day, of Abdel Hag, or the slave of truth. Notwithstanding his desert rank and dignity, he received me with a politeness which savoured of the salons of Paris, and encouraged me in my intention of visiting Petra, assuring me that it would abundantly repay me for all the difficulties attending it; in fact, he spoke lightly of these, although I afterward found that his acquaintance with the language, his high standing among the Bedouins, and his lavish distribution of money and presents, had removed or diminished obstacles which, to a stranger without these advantages, were by no means of a trifling nature. In addition to much general advice, he counselled me particularly to wear the Turkish or Arab dress, and to get a letter from the Habeeb Effendi to the governor of the little fortress of Akaba. Mr. Linant has been twenty years in Egypt, and is now a bey in the pacha's service; and that very afternoon, after a long interview, had received orders from the great reformer to make a survey of the pyramids, for the purpose of deciding which of those gigantic monuments, after having been respected by all preceding tyrants for three thousand years, should now be demolished for the illustrious object of yielding material for a petty fortress, or scarcely more useful and important bridge.*

* On my return to Alexandria, I learned that Mr. Linant had reported that it would be cheaper to get stone from the quarries. After all, it is perhaps to be regretted that he had not gone on, as the mystery that overhangs the pyramids will probably never be removed until one of them is pulled down, and every stone removed, under the direction of some friend of science and the arts.

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Ampère Jean-Jacques, Voyage en Egypte et en Nubie, Paris, 1868

[J.-J. Ampère (1800-1864), fils du célèbre physicien, fut professeur au collège de France puis académicien]

 

Linant-Bey est un homme d'un esprit vif. Son air est ouvert et décidé, ses manières sont franches et cordiales ; on peut l'interroger sur tout ce qui concerne l'Egypte ; le soir, il est très agréable d'aller prendre place sur son divan, et, en fumant un excellent narguillé, de converser avec madame Linant, qui, toute blanche dans son costume demi-oriental et assise sur des carreaux de pourpre, fait en français les honneur de son salon arabe avec la grâce paresseuse des Levantines.

M. linant m'a beaucoup parlé du canal entre les deux mers, projet sur lequel il a écrit un mémoire approfondi. L'entreprise serait grande et nouvelle.

 

LEPSIUS Karl, (Egyptologue allemand, 1810-1884)

Source :  Le Nil, de Maxime du Camp

L'obscurité qui entourait jadis le Lac Moéris parâit être éclaircie par une récente découverte de Monsieur Linant, ingénieur en chef du Pacha ...  Monsieur Linant a découvert de puissantes digues, longues de plusieurs milles, de construction ancienne et solide, formant la limite entre la partie supérieure et la partie inférieure du Fayoum. Selon lui, ces digues ne pouvaient avoir d'autre but que d'arrêter les eaux d'un lac artificiel qui se trouve à présent à sec à cause de leur destruction. Il considère que ce devait être là le lac Moeris. L'examen attentif des lieux m'a prouvé que ce savant ingénieur français avait raison ; il est pour moi hors de doute maintenant que Birket-el-Karoun n'a jamais été le lac Moeris" (...)

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Sainte Elme Ida de, La contemporaine en Egypte, Paris, 1833

[I. de Sainte Elme, née E. Tolstoï, ép. Aylde de Jonghe (1778-1845), aventurière]

 

En revenant au camp, nous trouvâmes cinq ou six chameaux couchés près du divan et des Arabes campés auprès. C'était la suite de M. Linant, qui venait rendre visite au bey. Si M. Linant ne parlait français, je défie bien qu'on ne le prenne pas pour un Arabe. Costumé avec la plus rigoureuse exactitude, quelquefois avec élégance, toujours avec richesse et avec goût M. Linant porte cet habit avec une inconcevable aisance, et vit absolument en arabe, parcourant les déserts du Liban au mont Sinaï, ne connaissant plus enfin de bonheur que dans cette existence errante, qui de fait a un côté enivrant. M. Linant était, à ce que je crois, officier de marine ; mais ce que je sais, c'est qu'il excelle à dessiner les monuments et à lever les plans.
Pascal Louis, La Cange, Paris, 1861

[sans doute Jean-Louis Pascal (1837-1920), architecte de la Bibliothèque Nationale, prix de Rome 1866]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Je viens de voir Linan-Bey, cher ami, et j'ai hâte de vous communiquer mes impressions et de vous dire combien l'accueil de cet excellent homme m'a touché et m'a rempli de reconnaissance.

Vous vous figurerez sans peine l'embarras où se trouve un jeune homme débarquant en Egypte, sans aucune idée du pays qu'il vient visiter, sans relations, sans amis, enfin livré entièrement à lui-même : eh bien ! il est une porte au Caire à laquelle il peut frapper hardiment, avec la certitude que le titre de Français la lui fera ouvrir à deux battants, c'est celle de Linan-Bey, et dans cette maison il trouvera un homme dont l'obligeance et la bonté sont devenues proverbiales en Egypte.

Je n'avais, auprès de Linan-Bey, d'autre recommandation qu'un billet d'un ami, lui rappelant l'accueil bienveillant qu'il en avait reçu, il y a trois ans, dans un voyage d'agrément. Ce souvenir fut suffisant pour m'assurer le même accueil.

Linan-Bey, né en France, peut avoir de cinquante à cinquante-cinq ans. Depuis près de trente ans il est au service de l'Egypte : par son mérite supérieur, par une probité bien rare parmi l'entourage du vice-roi, il a su s'attirer l'estime de tout le pays et les respect le plus profond de ses subordonnés. Il occupe le poste de premier ministre : c'est, comme je vous l'ai déjà dit, le bras droit du vice-roi. [...]

[...] Après s'être gracieusement informé des nouvelles de l'ami dont je lui avais remis une lettre, Linan-Bey nous présenta ses deux fils, charmants jeunes gens, âgés, l'un de vingt-trois ans et l'autre de vingt-cinq ans. On servit le café, on apporta des cigares, et la conversation s'établit entre nous et fut suivie d'offres de services faites avec cette rondeur et cette bonhomie qui vous mettent tout de suite à votre aise, et d'une visite de cérémonie, que vous redoutiez à l'avance, font une visite d'amitié que vous brûlez de renouveler ; vous trembliez presque, en arrivant ; sans la crainte de paraître importun, vous ne quitteriez pas la maison.[...]

(15 février). Visite à Linan-Bey, qui nous donne rendez-vous dans la journée à la citadelle.[...] Linan-Bey nous reçut dans son cabinet, sorte de divan entouré de sofas, recouverts en soie brochée ; il portait le costume égyptien, une large ceinture, tissée en or, signe distinctif de son grade, entourait sa taille. [...] Nous causions depuis quelques instants quand nous vîmes s'avancer gravement un cawas, haut de six pieds, sabre au côté, pistolets à la ceinture, retenus par une écharpe de soie, et portant à la main un plateau sur lequel reposaient quelque-unes de ces microscopiques tasses en porcelaine, soutenues sur des pieds en filigrane d'argent et contenant cet admirable café qu'on ne prend qu'en Orient.[...] Après le café vinrent les pipes, qui nous furent offertes avec le même cérémonial. Pendant que nous étions en train de fumer un délicieux tabac, Linan-Bey donnait des ordres, écoutait une communication, recevait un placet, lisait un nouveau décret, tout en apposant son cachet sur une foule de petits papiers d'inégale grandeur, couverts de caractères hiéroglyphiques. Tout ce la se faisait sans bruit, presque sans mouvement. Tout inférieur qui entre dans le cabinet du ministre commence par ôter ses souliers, laissant à découvert des bas d'une propreté souvent douteuse, où quelquefois un pouce s'avise de mettre le nez à la fenêtre, puis il s'avance lentement, s'incline, présente son placet et attend, en silence, jusqu'à ce qu'un signe de tête lui ai dit de se retirer.


Artistes

Caricature de Linant par Dantan

Caricature de Linant (auteur inconnu)

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